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VI


Dès le lendemain, Lucienne s’envola vers Rouen. Elle se sentait vraiment plus légère qu’un oiseau en courant à la gare de F…, le long des quais, sur la boue durcie par la gelée. Elle était comme un voyageur dans le désert apercevant le source où il va se rafraîchir.

Sans la permission que lui avait accordée son protecteur, elle n’eût pas osé accomplir ce voyage. Elle n’avait plus rien de son ancien caractère : impérieuse autrefois et pleine de caprices, elle devenait timide, craintive, plus féminine que par le passé ; et, depuis que M. Lemercier avait conçu pour elle cette paternelle affection, sa volonté s’assouplissait de plus en plus et se courbait devant celle du vieillard.

— Qu’il est bon de m’avoir permis cette joie ! se disait-elle ; comme il comprend bien les faiblesses d’un jeune cœur !

Elle arriva à Rouen vers quatre heures, et se rendit d’abord chez le facteur de pianos, dont elle avait l’adresse. Lorsqu’elle sortit de la maison, après y être restée quelques instants à peine, il faisait