Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pourtant ce toit ne devait-il pas l’abriter un jour, lorsqu’elle serait la femme d’Adrien ? L’hôtel appartenait à madame Després, et le jeune homme avait souvent dit à sa fiancée qu’après son mariage il ne voulait pas quitter sa mère.

Bientôt la porte s’ouvrit, et une jeune bonne sortit en courant. Lucienne surprit quelque chose de l’intérieur : un vestibule éclairé par une lanterne ronde en verre dépoli.

— Si je voulais, cependant, se disait Lucienne, si je sonnais à cette porte, avec quelle joie on m’accueillerait ! car, dans cette maison où je ne suis jamais entrée, on pense à moi, on me désire, on m’appelle. Ah ! quel courage il faut pour ne pas te répondre, pour te laisser souffrir, cher bien-aimé ! Mais je n’ai pas encore mérité ton amour ; ma place est bien là, à ta porte, dans l’ombre, comme une mendiante qui dévore des yeux la richesse qu’elle ambitionne.

La jeune bonne revint, apportant une salade qu’elle avait été prendre chez la fruitière. La porte se referma avec un bruit sourd.

Alors Lucienne envia celle bonne, elle songea aux histoires de femmes déguisées en page et se mettant, sans être reconnues, au service de leur amant. Si elle avait pu vivre ainsi près de lui, sans qu’il s’en doutât, l’entourant de soins et de tendresses discrètes !

Elle laissait passer le temps, ne pouvant pas se détacher de ce lieu, regardant la maison, les arbres,