Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/282

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gâtons pas à mon père la joie que lui cause mon arrivée.

Elle se rassit auprès de lui.

— Écoutez, monsieur Stéphane, dit-elle, ma vue vous cause une impression pénible ; j’en suis au désespoir, et je ne veux pas m’imposer plus longtemps à vos regards. Laissez-moi partir ; je dirai que je suis souffrante.

— Vous, partir ? dit-il, en lui prenant les mains, et d’une voix si douce, qu’elle se sentit émue. Je vous ai donc offensée, pardonnez-moi, alors. Il m’était impossible de me dominer ; une foudroyante émotion brisait ma volonté, comme la poudre enflammée brise son enveloppe. C’était terrible et irrésistible. Voyez, j’ai pleuré ; c’est, pardieu ! la première fois de ma vie ; mais ces larmes m’ont soulagé.

— Pourquoi donc êtes-vous ainsi ? dit Lucienne, qui le regardait avec un profond ébahissement.

— Pourquoi ? …

— Allons, enfants ! descendez, cria d’en bas M. Lemercier ; à table !

— Mon Dieu ! mon père ne devinera-t-il pas qu’il s’est passé quelque chose ? dit Stéphane, cherchant des yeux un miroir.

— Votre visage est tout empourpré, en effet, dit Lucienne ; un peu d’eau fraîche peut-être ! …

Elle courut dans la chambre du jeune homme et revint avec une serviette imbibée d’eau. Stéphane