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IX


Lucienne considérait cette passion de Stéphane comme un malheur, et, bien qu’elle n’en fût qu’involontairement la cause, elle se la reprochait et se sentait profondément attristée. Pourquoi cet événement encore dans sa vie, déjà si difficile et si pénible ? pourquoi fallait-il que le fils de celui qui l’avait défendue, protégée, aimée, fût malheureux par elle ? Qu’allait dire ce père, qui eût donné sa vie pour épargner une souffrance à son enfant, s’il devinait la vérité ?

— Quand Stéphane connaîtra mon passé, le mépris tuera son amour, se disait-elle, se raccrochant à cet espoir.

Cependant, tout au fond d’elle-même, elle éprouvait un secret orgueil d’avoir inspiré une pareille passion à un tel homme. Il lui semblait qu’elle acquérait une valeur nouvelle et devenait plus digne de l’amour d’Adrien. C’était une affirmation éclatante du pouvoir de sa beauté, et elle se sentait rassurée par ce triomphe, plus confiante dans l’avenir. Ces deux sentiments, de tristesse compatissante et de vanité flattée, s’enchevêtraient dans son cœur ; elle