Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/296

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s’efforçait de chasser l’un d’eux et cherchait les moyens de réparer le mal, si c’était possible.

Lorsqu’elle revit Stéphane quelques jours après, elle interrogea anxieusement le visage du jeune marin, espérant y lire le mépris et redoutant cependant d’être méprisée. Elle ne put rien deviner de ce qui se passait dans le cœur du jeune homme ; il lui sembla plutôt joyeux que triste. Mais son père était là, et peut-être dissimulait-il devant lui sa véritable humeur. Il paraissait tout à fait maître de lui à présent. Son teint d’oriental avait repris sa pureté, et sa voix n’avait plus cet éclat nerveux et métallique du premier soir, si pénible à entendre.

Il faisait beau déjà, les journées étaient plus longues, la température s’était tout à fait adoucie. Stéphane proposa une promenade.

— As-tu déjà vu le Trou aux Chiens, Lucienne ? dit M. Lemercier.

— Non, père, dit la jeune fille.

— Eh bien, allons-y ; nous pourrons admirer de là le soleil couchant.

Pour gagner le Trou-aux-Chiens, qui est une grotte naturelle dans laquelle la mer pénètre à marée haute, il faut franchir le pont tournant qui enjambe la rivière, longer un des bassins du port, et rejoindre les falaises qui s’élèvent de l’autre côté de la vallée. Celle qui se dresse à pic sur la mer est la plus haute de la Normandie. Très-âpre et d’accès difficile, elle est stérile et déserte. Un phare et une ancienne chapelle se montrent seuls à son faîte. Vue d’en bas,