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XIII


L’idée qu’Adrien pourrait ne pas venir au rendez-vous ne s’était pas présentée une seule fois à l’esprit de Lucienne pendant ces trois années : « Si je ne venais pas, c’est que je serais mort », avait-il dit, et elle n’avait pas douté un seul instant de sa parole. Mais maintenant que croire ? Il était vivant, et il n’était pas venu !

— Comment ! il m’aurait oubliée ! il ne m’aimerait plus ! murmurait Lucienne, étourdie comme si elle eût reçu un coup violent à la tête ; ce n’est pas possible, je rêve ! Lui mort, je serais morte paisiblement ; lui vivant et ne m’aimant plus, cette pensée ne peut pas entrer dans mon cœur ! Je ne comprends pas, cela n’est pas vrai, je veux l’entendre me le dire lui-même ; et encore je ne le croirai pas.

Elle se leva et se mit à errer par les rues, fiévreusement, la tête en feu.

— Il faut que je retourne chez lui, se disait-elle, sous un prétexte, sans être reconnue. Il est arrivé sans doute quelque chose de très-simple que je comprendrai tout de suite ; quelque chose qui expliquera