Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/341

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tôt. Mais Lucienne pensant que, dans la crainte de lui causer une émotion, on lai déroberait peut-être la lettre qui arrivait, et qu’un pressentiment lui disait être d’Adrien, elle sauta hors de son lit, et, se tenant à la rampe, elle se laissa glisser jusqu’au bas de l’escalier. Elle arracha la lettre des mains de la jeune garde stupéfaite et remonta.

Tout un monde d’espérance traversa l’esprit de Lucienne, tandis qu’elle tenait à la main cette lettre, qu’elle hésitait à ouvrir. Elle venait d’Adrien, il n’y avait pas à en douter, le chiffre du jeune homme était sur l’enveloppe, et Lucienne reconnaissait l’écriture. Alors elle s’imagina que rien n’était perdu, qu’elle s’était trompée, qu’Adrien l’aimait toujours, que cette femme qu’elle avait vue n’était pas sa femme, et qu’il allait la consoler d’un mot.

Elle déchira l’enveloppe et lut la lettre en tremblant.

Lucienne, disait Adrien, je ne veux pas vous laisser croire que j’ai manqué à notre rendez-vous parce que je ne vous aime plus et que j’ai oublié mes serments. Pour mon malheur, je n’ai pas cessé de vous aimer, et je n’ose pas espérer que votre image s’efface jamais de mon esprit. Si cela peut adoucir la déception et le chagrin que vous avez éprouvés, sachez qu’à cause de vous le bonheur n’existe plus dans ce monde pour moi, et que, si vous souffrez, je souffre autant que vous.

» Vous devinez que je sais la vérité sur votre vie, et vous comprenez sans doute quel coup terrible j’ai