Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/35

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était placé le beau nageur dont le plongeon avait si fort effrayé Lucienne. Elle comprit, d’après quelques mots saisis au vol, qu’il était le fils de la dame et le frère de la jeune fille.

Lucienne regardait beaucoup son voisin. Presque malgré elle, son regard revenait toujours à lui. Elle le considérait avec une sorte de stupeur ; et, comme une femme qui en examine une autre, elle cherchait à lui trouver des défauts. Elle n’y parvenait pas. La tête du jeune homme semblait avoir été modelée d’après un des plus purs marbres grecs. L’éclat de ses yeux d’un gris pâle donnait néanmoins une grande originalité à sa physionomie. Sa mise était des plus correctes, élégante même, et il avait une expression réservée et froide peu en rapport avec sa grande jeunesse.

Le déjeuner s’écoula silencieusement. Lucienne répondait à peine à son oncle lorsqu’il lui parlait. Les murmures de la vieille miss étaient presque indistincts, et les nouveaux pensionnaires parlaient peu. Dès le dessert, ils se levèrent et sortirent, après avoir légèrement salué.

— Ah ! il s’en va ! se dit Lucienne avec un mouvement de dépit.

Elle était forcée de s’avouer qu’il n’avait paru faire aucune attention à elle.

Il lui avait seulement jeté, devant la ténacité de l’examen dont il était l’objet, quelques regards surpris, sous lesquels elle s’était sentie rougir.