Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se troublait. Par instant, elle croyait que la maison était en flammes, puis tout devenait noir. Il lui sembla pourtant que la lumière s’éteignait. Alors elle voulut traverser la rue.

— Plus près ! plus près ! disait-elle.

Elle se leva ; ses jambes lui parurent changées en deux blocs de pierre.

Elle essaya d’avancer, et tomba, les mains dans le ruisseau.

Alors, avec une sorte de colère, comme un serpent à demi écrasé, elle rampa, se traîna, s’aidant des coudes, accrochant ses ongles aux saillies des pavés, et elle atteignit la maison.

— Ah ! dit-elle, là ! là ! en travers de ta porte, comme un chien fidèle !

Et elle s’abandonna à la mort.


Le lendemain, de très-grand matin, le domestique entra dans la chambre d’Adrien sans que celui-ci l’eût appelé.

— Monsieur, dit-il d’un air très-effrayé, que faut-il faire ? Je viens de trouver une jeune femme morte contre la porte de la maison.

Adrien eut un pressentiment. Pâle comme un spectre, il s’habilla en toute hâte et descendit.

— Mon cœur ne m’a jamais trompé, s’écria-t-il en voyant la morte, c’est elle. Elle est peut-être vivante encore, dit-il au domestique. Vite ! vite ! allez chercher un médecin. Ne dites rien à madame, de peur de l’effrayer.