Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/60

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— Oui, reprit-elle, et je ne suis pas fâchée du tête-à-tête que cela me procure, j’ai à vous parler.

— À moi ?

— À vous, à propos de votre nièce. Je veux vous faire quelques observations sur la façon dont vous l’élevez. Entre mamans, cela se peut.

— Entre mamans ? dit M. Provot en écarquillant les yeux.

— Certes, n’êtes-vous pas un peu la mère de Lucienne ? Elle était orpheline, vous l’avez recueillie et élevée, pas trop mal, je l’avoue ; elle a bon cœur, elle est douce et sans vanité. Cependant, à bien des détails, il est visible qu’elle n’a pas eu de mère pour la guider dans la vie.

— En effet, balbutia M. Provot avec embarras.

— Tenez, ses toilettes d’abord qui ne sont pas tout à fait celles d’une jeune fille.

— Ah ! vraiment !

— Ne vous fâchez pas. Qu’est-ce qu’un homme, franchement, peut entendre aux chiffons ? Comment peut-il comprendre le plus ou moins de convenance d’une couleur ou d’une étoffe ? Le fait est que dans l’absolu c’est peu important ; on peut avoir un perroquet sur son chapeau, porter une robe rouge, un manteau bleu et des gants verts, sans cesser d’être une très-honnête personne ; mais, dans les conventions mondaines, tout a son importance. La jeune fille doit être guidée dans le choix de ses toilettes. Si on la laisse libre, on peut être sûr qu’elle s’habillera comme un chien savant ou comme une