Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/88

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— Mon Dieu ! me parler, à moi ! ce soir ! balbutia Lucienne toute troublée.

— Tenez, là tout près, sur la falaise — après le dîner — quand tout le monde sera au salon. Est-ce convenu ?

— Oui, ce soir, sur la falaise, murmura Lucienne qui le regardait avec des yeux égarés.

— Chut ! voici votre oncle, dit Adrien en s’éloignant. À ce soir.

M. Provot sortait de sa chambre. Lucienne prit son bras ; elle ne pouvait pas se tenir debout.

— Il sait tout, se disait-elle pendant le dîner ; il connaît ma véritable position, il va me prier de partir sans esclandre et de cesser d’abuser ainsi la bonne foi de sa famille. — Mais non, reprenait-elle un instant plus tard, il m’a souri si doucement tout à l’heure ! Il veut peut-être me dire qu’il m’aime.

Cependant, elle se souvenait de l’expression grave du jeune homme en lui demandant ce rendez-vous, et de nouveau l’inquiétude lui serrait le cœur.

Elle le regardait pour tâcher de lire dans ses yeux, mais il était impénétrable.

Elle était au supplice. Il lui fut impossible de manger. Ne voulant pas cependant qu’on la crût malade et qu’on s’occupât d’elle, elle se forçait à avaler des morceaux qui l’étranglaient. Elle finit par dire qu’elle s’était bourrée de gâteaux dans la journée.