Page:Gautier - Mémoires d'un Éléphant blanc, Armand Colin et Cie, 1894.djvu/193

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Pour la dernière fois je sonnais, et je faisais signe que je voulais la note. Sans tarder, maintenant, M. Oldham m’apportait un long morceau de papier. Je remettais mes lunettes, — je les avais ôtées pour manger, — je regardais le papier, et je poussais un sonore grognement d’indignation. M. Oldham tombait, comme de peur, et, par une culbute, se relevait et il criait :

— Qu’est-ce que vous avez, monsieur Éléphant ?

Je témoignais de mon mécontentement en me levant et en piétinant la note.

— Vous la trouvez trop élevée ?

Je faisais signe que oui.

— Vous allez pourtant me payer…

Je faisais signe que non.

— Ah ! vous ne voulez pas me payer ?

Toujours non de ma part.

— Eh bien ! monsieur Éléphant, nous allons voir.

Et, très haut, il appelait :

— Eh ! eh ! là-bas, messieurs-policemen !

Alors, entraient MM. Trick et Trock, vêtus en policemen.

— Messieurs-policemen, disait M. Oldham, voici M. Éléphant qui ne veut pas me payer.

— C’est bien, criait M. Trick, en prison, monsieur Éléphant.

— En prison ! répétait M. Trock.

À cette menace, l’air confus, je tirais de mon sac des morceaux de papier simulant des bank-notes et je m’en allais, tandis que M. Oldham et MM. Trick et Trock se réjouissaient par une danse extravagante.

Cette scène amusait fort le public, qui, chaque soir, me rappelait au moins trois fois. Mais moi, je me sentais humilié de jouer un rôle comique, — de faire presque le clown.

Je vécus ainsi plusieurs années ; quand dans une ville les recettes