Page:Gautier - Mémoires d'un Éléphant blanc, Armand Colin et Cie, 1894.djvu/198

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général du public, qui ne me regardait plus, me fit comprendre que l’illustre personnage venait d’entrer.

Très attentif à ne pas perdre l’équilibre, je ne
— M’as-tu donc oubliée tout à fait, Iravata ?
pouvais lever la tête pour regarder.

— C’est peut-être le président de Bombay, pensai-je, et je ne tiens guère à le voir.

Mais tout à coup la sphère s’échappa d’entre mes pieds ; perdant l’équilibre, je tombai à genoux : une voix de femme venait de crier :

— Iravata !

Qui donc pouvait crier ainsi mon nom d’autrefois ? … mon nom de bonheur ? … et cette voix ! … Cette voix harmonieuse et claire qui était entrée en moi comme une épée m’avait jeté à genoux en précipitant tout mon sang au cœur ! … ce ne pouvait être que sa voix ! … sa voix à Elle ! … J’en étais certain et cependant je n’osais regarder. Il me semblait que je serais mort d’une déception.

Le public, surpris et respectueux, gardait un profond silence ; la voix, un peu attristée cette fois, se fit entendre encore :

— M’as-tu donc oubliée tout à fait, Iravata ?

D’un bond, je fus debout, devant la loge, qui était juste à ma hauteur, et, à travers mes larmes de joie, je voyais Parvati comme