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Chapitre VII

LA LUMIÈRE DU MONDE

Le rajah de Golconde, mon nouveau maître, s’appelait Alemguir, ce qui signifie la Lumière du Monde. Il n’avait certes pas pour moi les égards auxquels j’étais accoutumé : il ne se prosternait pas, ne me saluait même pas ; mais il faisait mieux que tout cela : il m’aimait. Le premier, il me flatta de la main, me dit de douces paroles, me témoigna de l’affection et non pas pour ma qualité d’éléphant blanc, beaucoup moins appréciée dans l’Inde qu’à Siam, mais parce qu’il me trouvait intelligent, affable et soumis plus qu’aucun autre de ses éléphants. Il s’occupait de moi, venait me voir chaque jour, veillait à ce qu’on ne me laissât manquer de rien. Il avait changé mon nom de Roi-Magnanime en celui de Iravata, qui est le nom de la monture du dieu Indra. C’était encore assez honorable et je fus vite consolé de ne plus être traité en idole par le plaisir d’être traité en ami.