Page:Gautier - Ménagerie intime (Lemerre 1869).djvu/125

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Notre plaisir était de conduire nous-même ces charmantes bêtes, et la plus intime intelligence ne tarda pas à s’établir entre nous. Si nous tenions les guides en main, c’était par contenance pure. Le plus léger clappement de langue suffisait à les diriger, à leur faire prendre la droite ou la gauche, à leur faire accélérer le pas, à les arrêter. Bientôt elles connurent toutes nos habitudes. Elles allaient d’elles-mêmes au journal, à l’imprimerie, chez les éditeurs, au bois de Boulogne, dans les maisons où nous dînions à certains jours de la semaine, avec tant d’exactitude qu’elles finissaient par être compromettantes. Elles auraient donné les adresses de nos visites les plus mystérieuses. Quand il nous arrivait d’oublier l’heure, dans quelque conversation intéressante ou tendre, elles nous la rappelaient en hennissant et en frappant du pied devant le balcon.