Page:Gautier - Mademoiselle Dafne - recueil 1881.djvu/61

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haine impuissante. Le prince eut pitié de cette femme qu’il voulait tout à l’heure poignarder. Il admettait bien la mort par le stylet, mais non cette angoisse horrible d’être suspendue par les ongles au-dessus de cette eau noire, visqueuse, d’une profondeur inconnue où jamais la lumière n’avait brillé et qui croupissait comme un flot de l’Érèbe. Comme il n’avait pas de corde pour lui tendre, il défit son habit et le plongea dans le puits en le tenant par la manche. Mais il s’en fallait de sept ou huit pieds qu’il n’arrivât jusqu’à Violanta. Bientôt un bruit sourd retentit et l’eau rejaillit le long des parois, puis un grand silence régna. Lothario remit son frac et continua sa route avec précaution, car cet engloutissement de Violanta lui inspirait une juste méfiance. Comme Dante dans sa promenade aux enfers, il ne levait un pied qu’après avoir bien assuré l’autre.

— Ma modestie, se disait-il tout en