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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

Rosette écoutait Théodore avec beaucoup d’attention et comme on écoute quelqu’un qu’on aime ; mais ce qu’il disait était si amusant et si varié, que cette attention n’avait rien que de naturel et s’expliquait facilement. — Aussi d’Albert n’en prit-il pas autrement d’ombrage. Le ton de Théodore envers Rosette était poli, amical, mais rien de plus.

— Que ferons-nous aujourd’hui, Théodore ? dit Rosette : — si nous allions nous promener en bateau ? que vous en semble ? ou si nous allions à la chasse ?

— Allons à la chasse, cela est moins mélancolique que de glisser sur l’eau côte à côte avec quelque cygne ennuyé et de plier les feuilles de nénuphar à droite et à gauche, — n’est-ce pas votre avis, d’Albert ?

— J’aimerais peut-être autant me laisser couler dans le batelet au fil de la rivière que de galoper éperdument à la poursuite d’une pauvre bête ; mais où que vous alliez, j’irai ; il ne s’agit maintenant que de laisser madame Rosette se lever, et d’aller prendre un costume convenable. — Rosette fit un signe d’assentiment, et sonna pour qu’on la vînt lever. Les deux jeunes gens s’en allèrent bras dessus bras dessous, et il était facile de conjecturer, à les voir si bien ensemble, que l’un était l’amant en pied et l’autre l’amant aimé de la même personne.

Tout le monde fut bientôt prêt. D’Albert et Théodore étaient déjà à cheval dans la première cour, quand Rosette, en habit d’amazone, parut sur les premières marches du perron. Elle avait sous ce costume un petit air allègre et délibéré qui lui allait on ne peut pas mieux : elle sauta sur la selle avec sa prestesse ordinaire, et donna un coup de houssine à son cheval qui partit comme un trait. D’Albert piqua des deux et l’eut bientôt rejointe. — Théodore les laissa prendre quelque