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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

menant avec Rosette, je lui passais le bras autour du corps, comme je le faisais lorsque nous nous promenions ensemble dans l’allée solitaire au bout du jardin de mon oncle ; ou bien, penchée au dos de son fauteuil pendant qu’elle brodait, je roulais sur mes doigts les petits poils follets qui blondissaient sur sa nuque ronde et potelée, ou je polissais du revers de la main ses beaux cheveux tendus par le peigne, et je leur redonnais du lustre, — ou bien c’était quelque autre de ces mignardises que tu sais m’être habituelles avec mes chères amies.

Elle se donnait bien de garde d’attribuer ces caresses à une simple amitié. L’amitié, comme on la conçoit ordinairement, ne va pas jusque-là ; mais, voyant que je n’allais pas plus loin, elle s’étonnait intérieurement et ne savait trop que penser ; elle s’arrêta à ceci : que c’était une trop grande timidité de ma part, provenant de mon extrême jeunesse et du manque d’habitude dans les commerces amoureux, et qu’il me fallait encourager par toutes sortes d’avances et de bontés.

En conséquence, elle avait soin de me ménager une foule d’occasions de tête-à-tête dans des endroits propres à m’enhardir par leur solitude et leur éloignement de tout bruit et de tout importun ; elle me fit faire plusieurs promenades dans les grands bois, pour essayer si la rêverie voluptueuse et les désirs amoureux qu’inspire aux âmes tendres l’ombre touffue et propice des forêts ne pourraient pas se détourner à son profit.

Un jour, après m’avoir fait errer longtemps à travers un parc très-pittoresque qui s’étendait au loin derrière le château, et dont je ne connaissais que les parties qui avoisinaient les bâtiments, elle m’amena, par un petit sentier capricieusement contourné et bordé de sureaux et de noisetiers, jusqu’à une cabane rustique, une es-