Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/114

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de Militona brillait encore, chaste et tremblante étoile, à l’angle d’un vieux mur. Le torero essaya d’enfoncer la porte de l’allée ; mais, en dépit de sa force prodigieuse, il ne put en venir à bout. Militona avait soigneusement baissé les barres de fer à l’intérieur. Juancho rentra chez lui, brisé, malheureux à faire pitié, et dans l’incertitude la plus horrible ; car il avait vu deux ombres sur le rideau de Militona. S’était-il donc trompé de victime ?

Quand il fit grand jour, le torero, embossé dans sa cape et le chapeau sur les yeux, vint écouter les différentes versions qui circulaient dans le voisinage sur l’événement de la nuit ; il apprit que le jeune homme n’était pas mort, et que, déclaré non transportable, il occupait la chambre de Militona, qui l’avait recueilli, action charitable dont les commères du quartier la louaient fort. Malgré sa vigueur, il sentit ses genoux chanceler et fut forcé de s’appuyer à la muraille ; son rival dans la chambre et sur le lit de Militona ! Le neuvième cercle d’enfer n’aurait pu inventer pour lui une torture plus horrible.

Prenant une résolution suprême, il entra dans la maison et commença à gravir l’escalier d’un pas lourd et plus sinistrement sonore que celui de la statue du commandeur.