Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

liberté qui lui était indifférente, se remit aux mains d’Argamasilla et de Covachuelo, qui le conduisirent à la prison de la ville avec tous les honneurs de la guerre.

Lorsque les clefs eurent fini de grincer dans les serrures, il s’étendit sur son grabat et se dit : « Si je la tuais ! ne songeant plus qu’il était au cachot. Oui, c’est ce que j’aurais dû faire le jour où j’ai trouvé Andres chez elle. Ma vengeance eût été complète ; oh ! quelle atroce angoisse il eût soufferte en voyant sa maîtresse poignardée sous ses yeux ; faible, cloué au lit, ne pouvant la défendre ; car je ne l’aurais pas tué, lui ! je n’aurais pas commis cette faute ! Je me serais sauvé dans la montagne ou livré à la justice. Je serais tranquille, maintenant, d’une façon ou d’une autre. Pour que je puisse vivre, il faut qu’elle soit morte ; pour qu’elle puisse vivre, il faut que je meure ; j’avais ma navaja à la main, un coup, et tout était fini ; mais elle avait dans les yeux une lueur si flamboyante, elle était si désespérément belle que je n’ai plus eu ni force, ni volonté, ni courage, moi qui fais baisser la paupière aux lions quand je les regarde dans leurs cages, et ramper les taureaux sur le ventre comme des chiens battus.

« Eh quoi ! j’aurais déchiré son sein charmant, fait sentir à son cœur le froid de l’acier, et ruisseler sur sa blancheur son beau sang vermeil ! Oh ! non,