Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/166

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une ou deux fermes dans les environs ; ils étaient faits avec le duvet de ses propres chèvres : l’âme de Feliciana nageait dans la joie la plus pure.

Militona, quoique bien heureuse aussi, n’était pas sans quelques appréhensions ; elle avait peur d’être déplacée dans le monde où son union avec Andrès allait la faire entrer. Chez elle une maîtresse de pension n’avait pas détruit l’ouvrage de Dieu, et l’éducation remplacé l’instinct ; elle avait le sentiment du bien, du beau, de toutes les poésies de l’art et de la nature, mais rien que le sentiment. Ses belles mains n’avaient jamais pétri l’ivoire du clavier ; elle ne lisait pas la musique, quoiqu’elle chantât d’une voix pure et juste ; ses connaissances littéraires se bornaient à quelques romances, et, si elle ne faisait pas de fautes en écrivant, il fallait en remercier la simplicité de l’orthographe espagnole.

« Oh ! se disait-elle, je ne veux pas qu’Andrès rougisse de moi. J’étudierai, j’apprendrai, je me rendrai digne de lui. Pour belle, il faut bien croire que je le suis, ses yeux me le disent ; et quant aux robes, j’en ai assez fait pour les savoir porter aussi bien que les grandes dames. Nous irons dans quelque retraite où nous resterons jusqu’à ce que la pauvre chrysalide ait eu le temps de déployer ses ailes et de se changer en papillon. Pourvu qu’