Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/176

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travers le feuillage, scintiller une prunelle fixe, phosphorescente comme celle d’un tigre, qu’elle eût reconnue à son éclat.

« Veux-tu venir faire notre promenade au Generalife ? dit Andrès à Mme de Salcedo, respirer les parfums amers des lauriers-roses et entendre miauler les paons sur les cyprès de Zoraïde et de Chaîne-des-Cœurs ?

— Il fait encore bien chaud, mon ami, et je ne suis pas habillée, répondit la jeune femme.

— Comment ! tu es charmante avec ta robe blanche, ton bracelet de corail, et la fleur de grenade qui éclate à ton oreille. Jette une mantille là-dessus, et les rois maures seront capables de ressusciter, quand tu traverseras l’Alhambra. »

Militona sourit, ajusta les plis de sa mantille, prit son éventail, cet inséparable compagnon de la femme espagnole, et les deux époux se dirigèrent du côté du Generalife, situé, comme chacun sait, sur une éminence reliée à celle que couronnent les tours rouges de l’Alhambra par un ravin, le plus pittoresque qui soit au monde, et où serpente un sentier bordé d’une végétation luxuriante dans lequel nous devancerons de quelques pas M. et Mme de Salcedo, qui s’avancent lentement sous la voûte de feuillage en se tenant par le bout de la main et en balançant leurs bras comme des enfants joueurs.