Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/85

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commençaient à se fatiguer ; la sueur ruisselait de leurs tempes, leurs poitrines haletaient comme des soufflets de forge, leurs pieds trépignaient la terre plus lourdement, leurs sauts avaient moins d’élasticité.

Juancho avait senti la pointe du couteau d’Andrès pénétrer dans sa manche, et sa rage s’en était accrue ; tentant un suprême effort, au risque de se faire tuer, il s’élança comme un tigre sur son ennemi.

Andrès tomba à la renverse, et sa chute fit ouvrir la porte mal fermée de la maison de Militona, devant laquelle avait lieu la bataille. Juancho s’éloigna d’un pas tranquille. Le sereno qui passait au bout de la rue cria : « Rien de nouveau, onze heures et demie, temps étoilé et serein. »



V


Juancho s’était éloigné, à la voix du garde de nuit, sans s’assurer si Andrès était mort ou seulement blessé : il croyait l’avoir tué, tant il était sûr de ce coup pour ainsi dire infaillible. La lutte avait été loyale, et il ne se sentait aucun remords : le sombre plaisir d’être débarrassé de son rival dominait chez lui toute autre considération.

L’anxiété de Militona pendant cette lutte, dont le bruit