Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/94

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qu’on puisse voir. La laideur est un accident rare. Au Prado les laides ne sont que jolies ; les éventails s’ouvrent et se ferment avec un sifflement rapide, et les agurs (bonjours) jetés au passage sont accompagnés de gracieux sourires ou de petits signes de main ; c’est comme le foyer de l’Opéra au carnaval, comme un bal masqué à visage découvert.

De l’autre côté, sous les allées qui longent le parc d’artillerie et le Musée de peinture, à peine flânent quelques fumeurs misanthropiques qui préfèrent à la chaleur et au tumulte de la foule la fraîcheur et la rêverie du soir.

Feliciana, qui se promenait en voiture découverte à côté de don Geronimo, son père, cherchait vainement des yeux son fiancé parmi les groupes de jeunes cavaliers ; il ne vint pas, selon son habitude, caracoler près de la voiture. Et les observateurs s’étonnèrent de voir la calèche de doña Feliciana Vasquez de los Rios faire quatre fois la longueur de la chaussée sans son escorte ordinaire.

Au bout de quelque temps, Feliciana, ne voyant pas Andrès à l’état équestre, pensa qu’il se promenait peut-être pédestrement dans le Salon, et dit à son père qu’elle avait envie de marcher.

Trois ou quatre tours faits dans le Salon et l’allée latérale la convainquirent de l’absence d’Andrès.