Page:Gautier - Ménagerie intime (Lemerre 1869).djvu/50

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tait le soir, en se mettant en chasse, courant à travers le gazon et les fleurs humides de rosée. Il lui fallait attendre le jour pour rentrer, car, bien qu’il vînt miauler sous les fenêtres, son appel n’éveillait pas toujours les dormeurs de la maison. Il avait la poitrine délicate, et prit, une nuit plus froide que les autres, un rhume qui dégénéra bientôt en phtisie. Le pauvre Pierrot, au bout d’une année de toux, était devenu maigre, efflanqué ; son poil, d’une blancheur autrefois si soyeuse, rappelait le blanc mat du linceul. Ses grands yeux transparents avaient pris une importance énorme dans son masque diminué. Son nez rose avait pâli, et il s’en allait, à pas lents, le long du mur où donnait le soleil, d’un air mélancolique, regardant les feuilles jaunes de l’automne s’enlever en spirale dans un tourbillon. On eût dit qu’il récitait l’élégie de Millevoye.