Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/102

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dent. Aussi avons-nous cédé tout de suite à la tentation, ce qui est encore le meilleur moyen de s’en débarrasser, et l’arène avait à peine bu le sang du dernier taureau, qu’une large calèche, attelée de trois chevaux, nous emportait, nous et nos compagnons, sur la route d’Irun.

Nous avons revu en passant l’église d’Urrugne et l’inscription mélancolique de son cadran : Vulnerant omnes, ultima necat, qui nous avait inspiré, il y a bien des années déjà, une pièce de vers où la funèbre pensée était commentée à notre façon :

La voiture fit halte à l’église d’Urrugne,
Nom rauque dont le son à la rime répugne,
Mais qui n’en est pas moins un village charmant
Sur un sol montueux, perché bizarrement.
C’est un bâtiment pauvre, en grosses pierres grises,
Sans archanges sculptés, sans nervures ni frises,
Qui n’a pour ornement que le fer de sa croix,
Une horloge rustique et son cadran de bois,
Dont les chiffres romains, épongés par la pluie,
Ont coulé sur le fond que nul pinceau n’essuie.
Mais sur l’humble cadran regardé par hasard,
Comme les mots de flamme au mur de Balthasar,
Comme l’inscription de la porte maudite,
En caractères noirs une phrase est écrite ;
Quatre mots solennels, quatre mots de latin,
Ou tout homme en passant peut lire son destin :