Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maisons qu’étreignent de hauts remparts ébréchés par plusieurs siéges.

Nous avons à peine mis le pied sur la jetée, que déjà la mendicité espagnole nous tend la main en psalmodiant sa litanie plaintive, et nous donne l’occasion d’exercer la plus belle des vertus chrétiennes, la charité. Une foule de petits Murillos en haillons nous suivent, se poussant, se culbutant ; des fillettes de sept ou huit ans se joignent à la troupe et nous débarrassent en un clin d’œil de ce que nous possédions de cuivre. La baguette de l’alguacil, qui nous attendait à la porte de ville, eut bientôt dissipé cette marmaille, dont l’avidité naïve nous amusait plus qu’elle ne nous importunait. Il y avait, parmi cette bande déguenillée, des teints couleur de cigare, des yeux de braise brillant à travers des cheveux incultes, des physionomies charmantes sous leur masque de crasse dont un peintre eût fait son profit. — Une des petites filles, convenablement débarbouillée et vêtue, eût figuré avec avantage sur le devant d’une calèche, à côté d’un king’s-charles de duchesse.

D’immenses pans de muraille de vingt pieds d’épaisseur, détachés par la mina, ont roulé dans les fossés de la ville démantelée, où ils reprennent peu à peu