Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/119

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chimères architecturales se tordant sous les balcons et les corniches seraient d’un effet admirable. Peut-être bien aussi les bourgeois, furieux d’être accusés de pittoresque, ont-ils fait disparaître ces monstres si bien décrits, car nous n’avons jamais pu les trouver.

La vieille boucherie a aussi lavé son ruisseau rouge, et les bouchères roses n’y sourient plus sous des guirlandes de gigots ; les gigots sont remplacés par des boyaux insufflés affectant les formes les plus bizarres. Quelques maisons neuves se glissent dans la rue des Juifs, dont les masures lépreuses, moisies, vermoulues, vont bientôt disparaître, regrettées seulement des poëtes et des peintres ; car elles racontaient le moyen âge mieux que l’histoire et les chroniques. Ces affreux taudis ne cachaient, d’ailleurs, qu’une misère feinte. Derrière ces murs sombres étincelaient, parmi les haillons, des trésors inestimables.

Le long des boutiques noires et des échoppes immondes erraient quelques figures aussi profondément hébraïques, malgré leur chapeau tromblon, que celles des juifs de Jérusalem qui baisent les pierres du mur de Salomon dans le magnifique dessin de Bida ; d’autres regardaient avec un air d’extase la nouvelle synagogue qui se construit. C’est un grand édifice en grès