Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/138

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chons dans un vaste espace ouvert, et nous ne pouvons retenir un cri de surprise.

Par un coup de baguette, nous étions subitement transportés de Stuttgart à Grenade, du XIXe siècle au XIVe, du règne de Guillaume, roi de Wurtemberg, au règne d’Yusef Abul-Hagiag, calife d’Espagne.

Un palais moresque d’une incontestable authenticité, achevé d’hier pourtant, — ou du moins ses fraîches couleurs le font croire, — aussi grand que l’Alhambra et qui n’est pas l’Alhambra ; un palais inventé, non copié, comme si les architectes d’Abu-Nazar et d’Abi-Abdallah existaient encore, se développait devant nos yeux éblouis avec les magies du rêve et les précisions de la réalité.

Au-dessus des ligues d’architecture bleuissaient, au lointain, des montagnes sur lesquelles nous fûmes étonné de ne pas voir briller les paillons d’argent de la sierra Nevada, tant nous avions de peine à nous persuader que nous n’étions pas à Grenade !

La Wilhelma est le caprice le plus poétique qu’un roi se soit passé. — Il y a dix-sept ans, nous écrivions dans l’Alhambra même, avec le soupir de l’impossibilité : « Si nous étions un peu millionnaire, une de nos fan-