Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/142

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Une haute ogive échancrée en cœur forme le vestibule, où l’on n’a pas oublié les petites niches de marbre destinées à déposer les babouches, car l’Orient témoigne son respect en se déchaussant, comme l’Occident en se décoiffant ; — pourtant la couleur locale n’est pas poussée à la Wilhelma jusqu’à ce point d’exactitude de vous faire ôter vos souliers ou vos brodequins vernis.

Haroun-al-Raschid, le splendide calife, ne se trouverait pas dépaysé en entrant dans cette salle : sans faire une critique, il irait s’asseoir sur le divan de brocart d’or en passant sa main pâle sur sa noire barbe soyeuse, et dirait à son fidèle vizir Giaffar de donner six mille bourses, cent esclaves et trois cents chameaux à architecte, en signe de satisfaction.

La cause de l’architecture polychrome, si bien plaidée par M. Hittorf, a été gagnée à la Wilhelma par M. Zanth. Quiconque aura vu cette merveilleuse salle ne comprendra pas qu’on ait pu si longtemps laisser aux monuments cette pâleur blafarde et nue. Au reste, les Égyptiens, les Assyriens, les Grecs, les Arabes, les gothiques ont toujours peint les édifices. Ce n’est que beaucoup plus tard, aux époques de décadence architecturale, qu’on s’est avisé d’être si sobre et si sévère.