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VENISE


Je me trouvais à Venise au mois de septembre 183.. Quelle raison avais-je d’y être ? Aucune, si ce n’est que cette nostalgie de l’étranger, si connue des voyageurs, s’était emparée de moi, un soir, sur le perron de Tortoni. Quand cette maladie vous prend, vos amis vous ennuient, vos maîtresses vous assomment, toutes les femmes, même celles des autres, vous déplaisent : Ceritto boîte, Alboni détonne ; vous ne pouvez lire de suite deux stances d’Alfred de Musset ; Mérimée vous paraît plein de longueurs ; vous vous apercevez qu’il y a des antithèses dans Victor Hugo et des fautes de dessin dans Eugène Delacroix ; bref, vous êtes indécrottable. Pour dissiper ce spleen particulier, la seule recette est un passe-port pour l’Espagne, l’Italie, l’Afrique,