Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/210

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qu’il place honorablement parmi les célébrités contemporaines.

Le David de Michel-Ange, outre l’inconvénient qu’il a de représenter sous une forme gigantesque un héros biblique dont la taille était notoirement petite, nous a paru un peu lourd et commun, défaut rare chez ce maître d’une si rigoureuse élégance ; c’est un grand et gros garçon bien portant, charnu, râblé, bastionné de pectoraux solides, muni de biceps monstrueux, un fort de la halle attendant qu’on lui mette un sac sur le dos. Le travail du marbre est remarquable, et, somme toute, est un bon morceau d’étude qui ferait honneur à tout autre statuaire que Michel-Ange ; mais il y manque cette maestria olympienne et formidable qui caractérise les œuvres de ce sculpteur surhumain ; il faut dire aussi que l’artiste n’a pas été entièrement libre : il a tiré son David d’un énorme bloc de marbre de Carrare, entaillé un siècle auparavant par Simon de Fiesole, qui avait essayé d’en extraire un colosse sans en pouvoir venir à bout. Michel-Ange, alors âgé de vingt, neuf ans, reprit l’ébauche et trouva en se jouant une statue géante à travers les essais informes de Simon de Fiesole ; quelques défauts de proportion dans les membres, le manque de marbre et des coups de ciseau vi-