Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

savante, fait, de son paquet de membres convulsés par l’agonie, un escabeau au pied du vainqueur. Persée, détournant son visage, où se peint une compassion mêlée d’horreur, tient d’une main son épée à crochet recourbé, et de l’autre élève la tête pétrifiante, immobile et morte au milieu de sa chevelure de serpents qui se tordent.

Le piédestal, autre chef-d’œuvre, est orné de bas-reliefs relatifs à l’histoire d’Andromède, de figurines et de feuillages où reparaît le talent de Benvenuto, ciseleur. Au-dessous de ces figurines, représentant un Jupiter debout et brandissant ses carreaux, on lit cette inscription menaçante :


TE, FILI, SI QUIS LÆSERIT, ULTOR ERO,


qui s’applique aussi bien à Persée qu’à l’artiste. Cette légende à double sens semble un avertissement du ciseleur spadassin à la critique, qui n’a qu’à se le tenir pour dit. Sans nous laisser influencer par cette rodomontade, nous admirerons franchement le Persée pour sa grâce héroïque et la noblesse de ses formes délicates. C’est une charmante statue et un délicieux bijou ; elle vaut toute la peine qu’elle a coûtée.