Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/221

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La Judith de Donatelio montre, au palais de la Seigneurie, la tête coupée d’Holopherne avec une fierté rébarbative assez alarmante, et tient, sous l’arcade de la Loggia, le même emploi que le Spartacus de Foyatier en face du palais des Tuileries. Seulement, la protestation du Spartacus est muette, et, pour que celle de Judith n’offrit aucune espèce d’ambiguïté, l’on a gravé sur la plinthe cette inscription peu rassurante : Exemplum salut, publ. cives posuere MCCCXCV. Ces deux statues sont de bronze. Benvenuto, dans ses Mémoires, raconte d’une façon dramatique et touchante toutes les péripéties de la fonte du Persée et les angoisses terribles qu’il éprouva jusqu’à ce que le succès eût couronné l’œuvre. Pour liquéfier le métal, qui se figeait dans le creuset et ne voulait pas couler, l’artiste y jeta toute sa vaisselle, actionna le feu avec ses meubles, épuisé, haletant, songeant à la joie de ses rivaux si l’opération manquait, et prêt à se jeter dans la fournaise si le moule crevait sous la pression du bronze. Aussi quelle joie, quel délire, quel triomphe et quel cordial repas avec les élèves et les compagnons lorsque l’œuvre sortit radieuse et pure de toutes ces épreuves ! — On montre encore à Florence la maison où le Persée a été fondu.

Benvenuto, qui, en sa qualité d’orfèvre ciseleur, avait