Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/234

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sous le vernis anglais ou français dont elles tâchent de se recouvrir. Celle-ci aurait eu l’apparence d’une Panagia grecque si, au lieu des arbres verts des Caschines, sur lesquels se détachait sa tête immobile, on eût placé derrière elle le fond d’or gaufré d’un triptyque. Sa main étroite et petite, chargée de bagues énormes, scintillait dégantée sur le rebord de la calèche, comme une relique constellée de pierreries qu’on tend au baiser des fidèles. Dans l’angle de la voiture se tenait, piteusement rencognée, une amie ou dame de compagnie de figure et de vêtements neutres, ombre résignée de ce brillant tableau. Autrefois, les blondes Vénitiennes se faisaient suivre par un nègre. C’était plus humain et d’un meilleur effet, au point de vue du coloris.

Dans une voiture anglaise, attelée de chevaux anglais, harnachés de harnais anglais, se tenait une Anglaise entourée d’une atmosphère anglaise apportée de Hyde-Park par un procédé que nous ignorons ; les Caschines disparurent à nos yeux, la perspective bleuâtre des Apennins s’évanouit dans une brume soudaine, et la Serpentine river remplaça le fleuve Arno.

Un brusque contre-coup nous jeta de Florence à Londres, et nous sentîmes sous notre mince habit un aigre souffle de brise septentrionale. Nous cherchâmes