Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/331

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grande place bordée de maisons rouges supportées par des piliers de granit bleuâtre dont l’aspect rappelle vaguement celui de la place royale à Paris, et au milieu de laquelle s’élève une statue en bronze de Charles III, remarquable par le développement monumental de son nez. Autrefois, elle était peuplée de gaillards truculents et farouches, superbement drapés de guenilles indescriptibles, prêts à poser pour l’Ésope et le Ménippe de Velasquez, le pouilleux de Murillo, les bourreaux de l’Espagnolet et les gnomes de Goya ; maintenant, des bourgeois et des paysans bien vêtus, à l’honneur de la civilisation et au détriment du pittoresque, s’y promènent et y causent d’affaires avec un air de prospérité ; mais la cathédrale n’a pas changé, c’est toujours l’admirable monument qu’on ne saurait se lasser de voir et qui vous étonne comme si on ne l’avait jamais vu.

Comme la plupart des églises gothiques, la cathédrale de Burgos est enfouie à moitié dans des constructions parasites. Les maisons jadis se serraient contre la maison de Dieu, s’accrochaient à ses pans, se tapissaient entre ses contre-forts, oblitéraient et empâtaient ses arcades ; on ne dégageait pas les édifices, l’espace était rare dans les villes ordinairement fortifiées ou au moins