Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/332

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ceintes de remparts, et les merveilleux architectes du moyen âge ne paraissent pas avoir eu le sentiment de laisser autour de leurs œuvres splendides, églises ou palais, le vide nécessaire pour la reculée et la perspective. Les monuments gagnent-ils à être isolés au milieu de vastes places nues qui les absorbent et en diminuent la grandeur ? Ces constructions disparates, la plupart chétives ou grossière, qui encombrent les abords des vieilles cathédrales, font, comme on dit en peinture, d’excellent repoussoirs et servent d’échelle pour faire sentir la dimension colossale de l’édifice dont elles ne masquent que les portions inférieures. Les hautes nefs, les clochetons élancés, les flèches ouvrées à jour, semblent jaillir avec plus de force, de légèreté et d’ardeur, de ce tumulte de toits désordonnés qui les pressent de toutes parts, que si elles montaient librement dans l’air vide. D’ailleurs, ce qu’on ne voit pas de près, on le voit admirablement de loin. Quand on se promène sur les bords de l’Arlanzon, la cathédrale se détache d’un seul bloc au-dessus des maisons de Burgos, qui ne lui vont pas à la cheville, et l’on en peut saisir d’un coup d’œil la silhouette magnifique. À mesure qu’on s’éloigne, la ville s’abaisse et la cathédrale grandit. Ses deux flèches évidées, aux arêtes brodées de fleurons et de crosses,