Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/102

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tous les projets que la fatuité du sire, aidée d’une apparence, se plut à bâtir vite sur ce petit événement.

Ce jour-là, Guy dînait en ville, dans une maison où il était difficile de manquer à une invitation faite longtemps d’avance. Heureusement les convives étaient nombreux, et sa préoccupation ne fut pas remarquée. Le repas terminé, il échangea quelques paroles avec la maîtresse du logis, et, sa présence suffisamment constatée, il opéra une savante retraite vers le second salon, où il donna des poignées de main à des hommes considérables de sa connaissance, qui s’étaient repliés là pour causer plus à l’aise de choses importantes ou secrètes ; après quoi il disparut et passa au cercle, où il pensait rencontrer le baron de Féroë. Il le trouva, en effet, assis devant une petite table à tapis vert, qui jouait à l’écarté avec le rayonnant d’Aversac, à qui nous devons cette justice de dire qu’il essaya de cacher sa joie intime pour ne pas humilier Malivert. Contrairement au proverbe : « Heureux au jeu, malheureux en amour, » d’Aversac gagnait, ce qui eût dû, pour peu qu’il eût été superstitieux, lui inspirer quelques doutes sur la légitimité de ses espérances. La partie achevée, comme le baron perdait, il put se lever, se prétendre fatigué et refuser galamment la revanche que lui offrait son adversaire. Le baron de Féroë et Guy de Malivert sortirent ensemble et