Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/123

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déduisais votre caractère. Quelquefois, au milieu d’une lecture, frappée d’un passage qui était pour moi une révélation, je me levais et j’allais au piano jouer, comme une sorte de commentaire de votre phrase, un motif de couleur et de sentiment analogues qui la prolongeait en vibrations retentissantes ou mélancoliques. Je me plaisais à entendre dans un autre art l’écho de votre idée ; peut-être ces rapports étaient-ils imaginaires et n’auraient-ils pu être saisis par d’autres que par moi, mais à coup sur quelques-uns étaient réels ; je le sais à présent que j’habite à la source éternelle de l’inspiration, et que je la vois descendre en étincelles lumineuses sur les têtes de génie.

Pendant que je lisais celles de vos œuvres que je pouvais me procurer, car le cercle d’action d’une jeune fille est si limité que la démarche la plus simple lui devient difficile, la saison s’avançait, les cimes des arbres se mordoraient des teintes safranées de l’extrême automne ; les feuilles, l’une après l’autre, se détachaient des branches, et le jardinier, malgré tous ses soins, ne pouvait empêcher le sable et le gazon d’en être à demi couverts. Parfois, lorsque je me promenais au jardin sous les marronniers, la chute d’un marron me tombant sur la tête comme une balle, ou roulant à mes pieds de sa capsule ouverte, interrompait ma rêverie et me faisait involontairement