Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/124

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tressaillir. On rentrait dans la serre les plantes délicates et les arbrisseaux frileux. Les oiseaux prenaient cet air inquiet qu’ils ont aux approches de l’hiver, et le soir on les entendait se quereller à travers les ramures dépouillées de feuilles. Enfin la saison allait s’ouvrir ; le beau monde, le monde élégant, le monde riche revenait à Paris de tous les points de l’horizon. On recommençait à voir aux Champs-Élysées les voitures sérieuses à panneaux blasonnés monter lentement vers l’arc de l’Étoile pour profiter d’un dernier rayon de soleil. Le Théâtre-Italien répandait dans les journaux la liste de ses chanteurs, le programme de son répertoire, et annonçait sa prochaine ouverture. Je me réjouissais à cette idée que ce mouvement général de retour vous ramènerait d’Espagne, et que, las de gravir les sierras, vous auriez quelque plaisir à paraître dans les bals, les soirées, les réunions où j’espérais vous rencontrer.

En allant au bois de Boulogne avec ma mère, je vous vis passer à cheval près de notre voiture, mais si rapidement que j’eus à peine le temps de vous reconnaître. C’était la première fois que je vous apercevais depuis votre visite au couvent des Oiseaux ; tout le sang m’afflua au cœur, et je reçus comme une commotion électrique. Sous prétexte de froid, je baissai ma voilette pour cacher l’altération de mes traits, et je me rencognai