Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/15

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autres ouvrages de science pure. Guy de Malivert n’était cependant pas un savant. Il n’avait guère appris que ce qu’on montre au collège ; mais, après s’être refait son éducation littéraire, il lui avait semblé honteux d’ignorer toutes les belles découvertes qui font la gloire de ce siècle. Il s’était mis au courant de son mieux, et l’on pouvait parler devant lui astronomie, cosmogonie, électricité, vapeur, photographie, chimie, micrographie, génération spontanée ; il comprenait et parfois il étonnait son interlocuteur par une remarque ingénieuse et neuve.

Tel était Guy de Malivert à l’âge de vingt-huit ou vingt-neuf ans. Sa tête, un peu éclaircie sur le haut du front, avait une expression ouverte et franche qui faisait plaisir à voir ; le nez, sans être d’une régularité grecque, ne manquait pas de noblesse et séparait deux yeux bruns au regard ferme ; la bouche, un peu épaisse, annonçait une bonté sympathique. Les cheveux, d’un brun chaud, se massaient en petites boucles fines et tordues qui repoussaient le fer du coiffeur, et une moustache d’un ton d’or roux ombrageait la lèvre supérieure. Bref, Malivert était ce qu’on appelle un joli garçon, et à son entrée dans le monde il avait eu des succès sans beaucoup les rechercher. Les mères ornées de filles à marier étaient aux petits soins pour lui, car il avait 40,000 francs de rente en terres et un oncle cacochyme plusieurs fois