Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/165

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monde, vers lequel je pouvais encore revenir. Dans cette atmosphère d’extase et d’encens, aux tremblantes lueurs des cierges jetant un rayon pâle sur ces fronts prosternés, mon âme se sentait pousser des ailes et tendait de plus en plus à s’élever vers les régions éthérées. Le plafond de la chapelle s’emplissait d’azur et d’or, et dans une trouée du ciel, il me semblait voir du bord d’un nuage lumineux les anges se pencher vers moi avec un sourire et me faire signe de venir à eux, et je n’apercevais plus la teinte fausse du badigeon, le goût médiocre du lustre et la pauvreté des peintures encadrées de bois noir.

Le temps de prononcer mes vœux approchait ; on m’entourait de ces encouragements flatteurs, de ces prévenances délicates, de ces caresses mystiques, de ces espoirs de félicité parfaite qu’on prodigue dans les couvents aux jeunes novices près de consommer le sacrifice et de se vouer pour toujours au Seigneur. Je n’avais pas besoin de ce soutien, et je pouvais marcher à l’autel d’un pas ferme. Hormis la tendresse de mes parents, forcée, je le croyais du moins, de renoncer à vous, je ne regrettais rien au monde, et ma résolution de n’y pas rentrer était immuable.

Mes épreuves terminées, le jour solennel arriva. Le couvent, d’ordinaire si paisible, était animé d’une sorte d’agitation contenue par la sévère discipline monastique. Les religieuses allaient et ve-