Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/191

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pâleur faiblement rosée, erraient sur le clavier d’ivoire comme des papillons blancs, ne faisant qu’effleurer les touches, mais évoquant le son par ce frêle contact qui n’eût pas courbé une barbe de plume. Les notes, sans avoir besoin d’être frappées, jaillissaient toutes seules lorsque les mains lumineuses flottaient au-dessus d’elles. Une longue robe blanche, d’une mousseline idéale plus fine mille fois que les tissus de l’Inde dont une pièce passe à travers une bague, retombait à plis abondants autour d’elle et bouillonnait sur le bout de son pied en feston d’écume neigeuse. Sa tête, un peu penchée en avant, comme si une partition eût été ouverte sur le pupitre, faisait ressortir la nuque, où se tordaient, avec des frissons d’or, de légères boucles de cheveux follets, et la naissance d’épaules nacrées, opalines, dont la blancheur se fondait dans celle de la robe. Parmi les bandeaux palpitants et gonflés comme par un souffle, luisait une bandelette étoilée aux bouts renoués sur le chignon. De la place où était Malivert, l’oreille et un coin de joue apparaissaient frais, roses, veloutés d’un ton à rendre terreuses les couleurs de la pêche. C’était Lavinia, ou Spirite, pour lui conserver le nom qu’elle a jusqu’ici porté dans cette histoire. Elle tourna rapidement la tête pour s’assurer que Guy était attentif et qu’elle pouvait commencer. Ses yeux bleus brillaient d’une lueur tendre et avaient une douceur céleste