Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/196

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le mystérieux, l’intime et le profond des choses, la secrète aspiration qu’on s’avoue à peine à soi-même, l’indicible et l’inexprimable, le desideratum de la pensée au bout de ses efforts, et tout le flottant, le flou, le suave qui déborde du contour trop sec de la parole. Mais à ces battements d’ailes qui s’enlevaient dans l’azur d’un élan si effréné, elle ouvrait le paradis des rêves réalisés, des espérances accomplies. Elle se tenait debout sur le seuil lumineux, dans une scintillation à faire pâlir les soleils, divinement belle et pourtant humainement tendre, ouvrant les bras à l’âme altérée d’idéal, but et récompense, couronne d’étoiles et coupe d’amour, Béatrix révélée seulement au delà du tombeau. Dans une phrase enivrée de la passion la plus pure, elle disait, avec des réticences divines et des pudeurs célestes, qu’elle-même, dans les loisirs de l’éternité et les splendeurs de l’infini, comblerait tous ces vœux inassouvis. Elle promettait au génie le bonheur et l’amour, mais tel que l’imagination de l’homme, même en rapport avec un esprit, ne pourrait les concevoir.

Pendant ce final elle s’était levée ; ses mains ne faisaient plus le simulacre d’effleurer le clavier, et les mélodies s’échappaient du piano en vibrations visibles et colorées, se répandant à travers l’atmosphère de la chambre par ondulations lumineuses comme celles qui nuancent l’explosion