Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/199

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ciel aussi haut, aussi loin que des ailes attachées à des épaules humaines pouvaient atteindre.

— Cela est beau, dit Spirite, dont Malivert entendait la voix résonner dans sa poitrine, car elle n’arrivait pas à son oreille comme les bruits ordinaires ; cela est beau même pour un esprit ; le génie est vraiment divin, il invente l’idéal, il entrevoit la beauté supérieure et l’éternelle lumière. Où ne monte-t-il pas lorsqu’il a pour ailes la foi et l’amour ! Mais redescendez, revenez aux régions où l’air est respirable pour les poumons mortels. Tous vos nerfs tressaillent comme des cordes de lyre, votre front fume comme un encensoir. Des lueurs étranges et fiévreuses brillent dans vos yeux. Craignez la folie, l’extase y touche. Calmez-vous, et si vous m’aimez, vivez encore de la vie humaine, je le veux. »

Pour lui obéir, Malivert sortit, et quoique les hommes ne lui apparussent plus que comme des ombres lointaines, comme des fantômes avec lesquels il n’avait plus de rapport, il tâcha de s’y mêler ; il parut s’intéresser aux nouvelles et aux bruits du jour, et sourit à la description du prodigieux costume que portait Mlle  *** au dernier bal d’impures ; même il accepta de jouer au whist chez la vieille duchesse de C… : toute action lui était indifférente.

Mais, malgré ses efforts pour se rattacher à la vie, une attraction impérieuse l’attirait hors