Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/211

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malachite. Pourquoi pas cette Parisienne, dans cette loge découverte, mise avec un goût parfait, si fine, si spirituelle, si jolie, dont chaque mouvement a l’air d’être réglé par une flûte et soulève une écume de dentelles comme si elle dansait sur un panneau d’Herculanum ? Balzac aurait consacré trente pages à la description d’une pareille femme, et ce n’aurait pas été du style mal employé : elle en vaut la peine. Mais Guy n’est pas assez civilisé pour goûter ce charme qui séduisait, plus que la beauté même, l’auteur de la Comédie humaine. Allons, il faut renoncer à pénétrer aujourd’hui ce mystère, se dit le vieux beau en renfermant dans son étui une lorgnette qui ressemblait à une pièce d’artillerie. La dame des pensées de Malivert n’est pas ici décidément. »

À la sortie, d’Aversac se tenait debout sous le péristyle avec toute l’élégance que peut se donner un gentleman, empaqueté dans son paletot, près de Mme d’Ymbercourt, qui avait jeté sur sa toilette une pelisse de satin bordée de cygne dont le capuchon, retombant sur ses épaules, lui laissait la tête dégagée. La comtesse était pâle, et ce soir-là vraiment belle. La douleur qu’elle ressentait prêtait à sa physionomie, ordinairement d’une régularité froide, une expression et une vie qui lui avaient manqué jusqu’alors. Du reste, elle semblait avoir complètement oublié son cavalier, qui restait à deux pas d’elle avec une gravité