Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/214

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Cette question inopinée et singulière choqua beaucoup d’Aversac. Elle était d’une convenance douteuse et lui prouvait que la comtesse n’avait pas pensé un instant à lui. Le château de cartes de ses espérances s’écroulait à ce souffle de passion.

« Je ne la connais pas, balbutia d’Aversac, et je la connaîtrais, la discrétion, la délicatesse… m’empêcheraient… Tout galant homme en pareil cas sait son devoir…

— Oui, oui, reprit la comtesse d’un accent saccadé, les hommes se soutiennent tous entre eux, même lorsqu’ils sont rivaux. Je ne saurai rien… » Puis après un court silence, reprenant un peu d’empire sur elle-même, elle dit : « Pardon, mon cher monsieur d’Aversac, j’ai les nerfs horriblement agacés et je sens que je dis des choses folles ; ne m’en veuillez pas et venez me voir demain ; je serai plus calme. Mais nous voici arrivés, dit-elle en lui tendant la main ; où faut-il qu’on vous mette ? » Et d’un pas rapide elle descendit du coupé et monta le perron sans vouloir souffrir que d’Aversac l’aidât.

On voit qu’il n’est pas toujours aussi agréable que les jeunes gens naïfs se l’imaginent de reconduire une belle dame en voiture des Italiens à la Chaussée-d’Antin. D’Aversac, assez penaud, se fit descendre au club de la rue de Choiseul, où son cocher l’attendait. Il joua et perdit une