Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/221

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faite. Il y avait aussi des Français, des élèves de l’école d’Athènes, des peintres, des architectes prix de Rome, qui allaient se tremper aux sources du vrai beau. Ceux-là, avec tout l’entrain de la jeunesse ayant devant elle l’espérance et un petit pécule en poche, faisaient des plaisanteries, riaient bruyamment, fumaient des cigares, et se livraient à de chaudes discussions d’esthétique. Les renommées des grands maîtres anciens et modernes étaient discutées, niées, portées aux nues ; tout était admirable ou ridicule, sublime ou stupide, car les jeunes gens sont excessifs et ne connaissent pas de moyen terme. Ce ne sont pas eux qui marieraient le roi Modus et la reine Ratio : ce mariage de convenance ne se fait que plus tard.

À ce groupe animé, drapé dans son manteau comme un philosophe du Portique, était mêlé un jeune homme qui n’était ni peintre ni sculpteur, ni architecte, et que les artistes voyageurs prenaient pour arbitre lorsque la discussion aboutissait de part et d’autre à quelque négation obstinée. C’était Guy de Malivert. Ses remarques judicieuses et fines montraient un véritable connaisseur, un critique d’art digne de ce nom, et ces jeunes gens si dédaigneux, qui flétrissent de l’épithète de bourgeois tout être n’ayant pas manié la brosse, le ciseau ou le tire-ligne, les écoutaient avec une certaine déférence, et quelquefois même les adoptaient. La conversation s’épuisa, car tout s’épuise,