Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/236

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malgré son petit goût de résine ; cela n’est pas naturel, il doit lui être arrivé quelque chose. S’il continuait son voyage, il m’aurait indiqué une ville pour lui envoyer des fonds, puisque c’est moi qui tiens la bourse. Pourvu qu’il ne se soit pas cassé le cou ou les reins dans quelque précipice ! Aussi, quelle diable d’idée a-t-il de chevaucher toujours par des pays sales, mal pavés, absurdes, faméliques, tandis que nous pourrions être à Paris, douillettement installés dans un intérieur confortable, à l’abri des insectes, des moustiques et autres vilaines bêtes qui vous font venir des ampoules ! Dans la belle saison je ne dis pas, je conçois qu’on aille à Ville-d’Avray, à la Celle-Saint-Cloud, à Fontainebleau, — non pas à Fontainebleau, — il y a trop de peintres ! — et encore, j’aime mieux Paris. On a beau dire, la campagne est faite pour les paysans et les voyages pour les commis voyageurs, puisque c’est leur état. Mais cela finit par n’être pas drôle d’être planté à l’auberge pour reverdir dans une ville où il n’y a que des ruines à voir. Dieu ! sont-ils bêtes, les maîtres, avec leurs vieilles pierres, comme si des bâtiments neufs et bien entretenus n’étaient pas cent fois plus agréables à l’œil ! Décidément, monsieur manque tout à fait d’égards envers moi. C’est vrai, je suis son domestique, mon devoir est de le servir ; mais il n’a pas le droit de me faire mourir d’ennui à l’hôtel d’Angleterre ! — S’il lui était