Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/242

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voyageurs dont il tirait profit et qu’il n’avait d’ailleurs pas besoin d’assassiner pour les voler. Pourquoi aurait-il été attendre au bord du chemin des victimes qui le suivaient de leur plein gré sur la grande route, lui accordant de leur or une part suffisante ? Mais le récit qu’il faisait de la mort de Malivert était des plus étranges et vraiment difficile à croire. Selon lui, pendant qu’ils chevauchaient paisiblement l’un et l’autre dans le chemin creux à la place où l’on avait trouvé la carcasse du cheval, une détonation d’arme à feu s’était fait entendre, suivie d’une autre à un intervalle inappréciable. Le premier coup avait renversé le cheval que montait M. de Malivert, et le second atteint le voyageur même, qui, par un mouvement instinctif, avait porté la main aux fontes de sa selle et lâché au hasard un coup de pistolet.

Trois ou quatre bandits s’étaient élancés des buissons pour dépouiller Malivert. Deux autres l’avaient fait descendre de cheval, lui Stavros, et le tenaient par les bras, quoiqu’il n’essayât pas une résistance inutile.

Jusque-là ce récit ne différait pas beaucoup des vulgaires histoires de grand chemin, mais la suite était beaucoup moins croyable, quoique le guide l’affirmât sous la foi du serment. Il prétendait avoir vu près de Malivert mourant, dont le visage, loin d’exprimer les angoisses de l’agonie,